Cher Maître Mô,
Une bien tragique histoire que vous contez là, trois victimes avec trois échelles de victimisation :
- une agression sexuelle sur une enfant qui n’avait rien demandé ;
- la stigmatisation sociale, jusqu’à l’infâme de son agresseur ;
- Enfin une JAP, qui a juste oublié l’un des jours où elle a pu se dire, je suis humaine. Mais, cette JAP a-t-elle jamais écrit à la victime ? Votre conte n’en dit rien, il faut donc supposer que non.
C’est d’autant plus troublant, que ces jours où l’on se sait humain, sont si rares dans la vie de quiconque qu’il est étonnant que l’on ne puisse les oublier, surtout si près de son propre anniversaire : cette date qui sonne si fort comme un memento mori …
Il se trouve qu’il y a bien des années (bien avant l’existence de la Loi permettant aujourd’hui au majeur, victime mineure de faits d’agression sexuelle et de viol de tenter d’en poursuivre l’auteur) je fus la victime de ce genre de faits, commis en réunion par mon frère et ses copains d’alors, et il ne s’agissait pas de simples "guili-guili" d’un attardé mental : somme toute j’aurais largement préféré.
Certes le passé est mort, et je suis le premier à affirmer que le mieux est encore de le laisser où il est. Sauf qu’un agresseur demeure un agresseur : il y prend goût, plus encore s’il reste impuni, où comme le plus souvent que la victime, choisit le silence à toute l’infamie du monde.
40 ans après, mon agresseur continue à m’agresser, aujourd’hui depuis l’étranger via son blog lui servant sous pseudonyme de défouloir psychologique : un doux euphémisme.
Autant vous dire que je ne suis pas un partisan exalté de la liberté d’opinion derrière un pseudonyme, puisque dans les faits le pseudonymat se conjugue presque toujours avec la calomnie, la diffamation et l’injure : c’est si simple sommes toutes d’être un courageux héros planqué derrière un pseudonyme plus ou moins ridicule ou vulgaire.
Le plus singulier, dans l’affaire c’est encore le personnage servant d’avocat de mon agresseur : ce grand professionnel du droit fait notamment dans le faux en écriture publique pour défendre (en attaque) son blogo-violeur de client. Le professionnel que vous êtes, appréciera j’en suis sûr la délicatesse insigne de votre confrère.
Alors, tout aussi tragique que soit, le cas de l’attardé dont vous contez bellement l’histoire, y compris cette injustice profonde qu’est la condamnation à l’opprobre sociale qui affecte plus encore ses proches, aucune victime d’un violeur n’a demandé à l’être.
S’il est certain que je lui lancerais pas la première pierre à votre demeuré (comme sa victime, cette pauvre pierre n’aurait elle-même rien demandé), toutefois il faut néanmoins comprendre l’agression sexuelle et le viol pour ce qu’ils sont exactement :
C’est-à-dire la négation même de l’humanité de la victime, c’est là un processus consistant à la réduire à son objectivation absolue : une res dont on dispose librement, et le plus souvent en toute imputé. Or l’intensité traumatique de ces crimes se résume à :
« Je m’arroge le pouvoir de te détruire, et je condensant dans ma lâche mansuétude à te laisser, toi, pour le reste de ton existence à l’état de chose détruite dans laquelle je me suis un jour essuyé la queue. »
Et aucune excuse et tous les remords du monde, fussent-il sincères n’y changeront rien. Un violeur ne saurait obtenir de pardon de sa victime mais tout au plus son oubli.
Dans monde idéal cela se pourrait peut être, mais nous ne vivons pas dans un monde idéal, parce dans un monde idéal il n’y aurait pas de violeur, puisqu’il y aurait certainement que des anges, ces charmants volatiles asexués.
Enfin dans nos sociétés, comment un violeur pourrait-il obtenir le pardon de la Société ? Puisque la Société, par le biais de l’Etat, prétend avoir le droit de spolier la victime de son droit à vengeance : or la justice d’une meute de loups et à l’aune exacte de l’injustice d’un loup.
Certes, si j'en parle, c'est bien aussi tout ce qui ne tue pas rend plus fort, aujourd’hui je m’occupe de méta-criminalité, et je chasse - comme on chasse à courre - les violeurs de masse et autres aimables génocidaires.
Je vous souhaite du plus profond de mon être de ne jamais connaître en votre anima cette expérience transcendantale, mais il serait pour le moins moralement digne d’en connaître - au moins en esprit - l’exact prix, avant que de le brader vilement sur l’autel des vanités du web.
Bien à vous,
MBD